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Mettre fin à l’impunité des multinationales : la victoire contre Chevron en Equateur

 

#StopChevronImpunity ! C’est un cas emblématique : une pollution parmi les plus importantes de la planète, 30 000 victimes, 2 000 avocats et experts, des attaques à la liberté d’expression et des harcèlements juridiques, des centaines de milliers de dollars de frais par année et une amende de $9,5 milliards infligée à la société Chevron. La Cour Constitutionnelle de l’Equateur a mis fin à ce marathon de 20 ans. 

 

Une pollution aux impacts sans précédent en l’Amazonie équatorienne et sur ses communautés

Tout commence en 1964, lorsque le gouvernement équatorien concède à Texaco une zone de 1 500 000 hectares de forêt vierge dans la région dite de l’Oriente. Jusqu’en 1990, la compagnie américaine creuse une centaine de puits de pétrole qu’elle dissémine dans la forêt amazonienne, rejetant les déchets directement dans la nature ou les stockant dans d’énormes piscines à ciel ouvert qui finissent par déborder et témoignent aujourd’hui de la plus grave catastrophe pétrolière continentale de l’Histoire. On estime que, durant cette période, plus de 60 milliards de litres d’eaux toxiques ont été déversés dans les rivières, 880 fosses de déchets d’hydrocarbures ouvertes, 650 000 barils de brut abandonnés sur place.

En 1993, suite à de nombreux cas de cancers, maladies et malformations à la naissance, 30 000 agriculteurs et autochtones portent plainte contre la société devant les tribunaux américains. C’est la compagnie Chevron qui hérite du contentieux lorsqu’elle rachète Texaco, mais elle refuse d’en endosser la responsabilité. Elle demande et obtient que le litige soit déplacé au lieu du dommage, espérant plus de clémence de la part de l’Equateur. Une situation à deux têtes, puisque Chevron finira par porter plainte contre le gouvernement équatorien et demandera à un juge américain de reporter la faute sur la compagnie d’Etat, Petroecuador, qui avait travaillé sous les ordres de Texaco de 1972 à 1990.

26 ans de litiges et de batailles juridiques

Deux tribunaux judiciaires, une Cour nationale de justice et une Cour Constitutionnelle : c’est ce qu’il a fallu pour que Chevron épuise les voies de recours en Equateur et ne puisse plus se défausser de sa responsabilité en niant les faits reprochés. L’entreprise doit assainir plus de 480 000 hectares de terres jusqu’à présent pollués par des centaines de substances toxiques, et s’acquitter de $9.5 milliards d’amende. Plus qu’une indemnité, ce montant correspond à une réhabilitation sociale, économique, environnementale et culturelle, notamment pour les Peuples Autochtones. Au cours de ce long procès, Chevron avait poussé l’arrogance jusqu’à demander aux victimes, à travers l’Etat, de payer pour les dégâts qu’elle a elle-même occasionnés.

Devant la Cour constitutionnelle, l’entreprise avait joué sa dernière carte, en demandant ce qu’on appelle une “protection extraordinaire” dans laquelle elle faisait valoir qu’il y avait eu violation de ses droits constitutionnels au cours de la procédure et tentait d’empêcher ainsi  l’exécution du jugement prononcé contre elle par les précédents tribunaux. 

 

“Après 25 ans de lutte, nous pouvons enfin clore ce chapitre. Nous sommes déterminés à prendre des mesures pour obtenir justice”. William Lucitante, coordinateur exécutif de l’UDAPT (Union des communautés affectées par les opérations pétrolières de Texaco, organisation qui représente les personnes affectées et qui a porté cette affaire devant les tribunaux).

La victoire de David contre Goliath

Cette saga judiciaire, c’est aussi l’histoire de ces 30 000 paysans et autochtones, qui ont gagné face à une des entreprises transnationales les plus puissantes au monde, dont le chiffre d’affaires avait dépassé $183 milliards en 2013, année de sa condamnation par la Cour nationale de justice. Combat inégal ? Oui. Mais ce cas constitue un exemple, et un précédent, repris par beaucoup d’organisations et de personnes qui se mobilisent pour révéler l’impunité des sociétés transnationales qui violent les droits humains et environnementaux, souvent avec la complicité des Etats.

Le combat n’est toutefois pas fini, et les défenseurs de l’Amazonie vont continuer de plaider devant les tribunaux étrangers pour faire reconnaître le jugement équatorien.

Ils poursuivent actuellement Chevron au Canada, ou l’entreprise possède plus de $15 milliards d’actifs, pour en demander la saisie afin de faire respecter le jugement des tribunaux équatoriens. La Cour Suprême de ce pays avait en effet reconnu, en septembre 2015, la légalité de cette action.

 

“Nous allons poursuivre les actifs de Chevron au Canada et devant tous les tribunaux qui nous semblent pertinents, jusqu’à ce qu’il paie jusqu’au dernier centime de sa condamnation judiciaire” Pablo Fajardo, avocat principal des plaignants.

 

En parallèle, ils ont déposés plainte auprès du Procureur de la Cour pénale internationale pour faire reconnaître la responsabilité du PDG John Watson et des vice-Présidents Hewitt Pate et Ricardo Reis Vega pour crime contre l’humanité, arguant qu’ils tentent d’obstruer la justice et maintiennent donc, en connaissance de cause, une pollution environnementale qui affecte des milliers de personnes. Mais le Statut de Rome complique une telle poursuite, puisqu’il leur faut démontrer le caractère intentionnel des actes commis par les dirigeants et causant de grandes souffrances physiques et mental. Et même une fois prouvé, la justice ne pourra être rendue qu’auprès des victimes humaines pour les souffrances directes subies, laissant de côté les conséquences indirectes causées par la dégradation de l’environnement.

Malgré la complexité de cette affaire, elle reste emblématique d’un bras de fer entre une multinationale et un État qui risque aujourd’hui la faillite pour avoir osé soutenir les victimes d’un géant du pétrole accusé d’avoir pollué pendant 26 ans en toute connaissance de cause l’Amazonie équatorienne.

 

#StopChevronImpunity

 

Marie De França

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