Written by

Tribunal International des Droits de la Nature
Le REDD+, dangereux mécanisme de financiarisation de la Nature

1. Droits de la Nature| Views: 629

 

Des initiatives sont apparues sous le nom de financiarisation de la Nature. Elles consistent à découper la Nature en unités en lui niant une quelconque intégrité. Il existe par exemple la vente de crédits carbone, particulièrement utile pour les entreprises très polluantes. Un nouveau mécanisme a été mis en place : le REDD+, qui consiste à diviser une zone précise en blocs, qui sont ensuite évalués et vendus comme compensation.

 

Le REDD+, la destruction à un endroit et la reconstruction ailleurs
Présenté par : Jutta Kill, biologiste et chercheuse

Diviser une zone en blocs, les évaluer et les vendre comme compensation à la destruction de la Nature dans un autre endroit de la planète : voici le principe du REDD+. Un gigantesque supermarché où les entreprises obtiennent le droit de polluer jusqu’à une certaine limite, établie légalement ou socialement. Ce mécanisme permet aussi aux Etats et aux multinationales d’entrer dans des territoires jusque là peu accessibles, afin de cartographier puis d’imposer plus facilement des projets extractifs. Un bonus certes pas négligeable.
Le dommage a maintenant lieu à deux endroits, et les compagnies ne sont plus responsables, puisqu’elles ont payé. En effet, souvent, sur les territoires utilisés comme compensation, se trouvent des communautés autochtones. Elles n’ont jamais détruit la Nature, et pourtant, leurs droits à leurs terres sont restreints, voire niés. « Avec les mécanismes du REDD+, les populations locales, souvent autochtones, sont précipitées dans la société de consommation », a expliqué Jutta Kill

Presque toujours, ces mécanismes se traduisent par des limitations des activités traditionnelles ainsi que le versement de fonds qui font basculer les communautés dans des logiques économiques très éloignées de leur mode de vie. Il est en effet facile aux grandes puissances de contrôler ces communautés isolées.

“C’est une dangereuse normalisation de la destruction de la planète, sans le moindre sentiment de culpabilité.”

La Nature devient un système prestataire de services, auquel on attache un prix. La placer ainsi sur le marché revient à encourager les fausses solutions promouvant la continuité de l’exploitation des combustibles fossiles. On transforme la Nature en un élément de production capitaliste comme un autre, devant justifier son existence par sa rentabilité.

 

Le mécanisme Sociobosque, programme de conservation de la nature en Equateur
Présenté par : Melissa Moreano, docteure en géographie et écologie politique

Il consiste à payer une certaine somme aux communautés, par hectare de forêt conservée, une sorte de compensation appelée unité de stockage de carbone. Suite à cela, ces unités pourront être vendues pour être utilisées sur le marché vert.
Le programme ne sert pas toutes les communautés, car, si sur leurs terres a été découvert du pétrole, l’Etat va accorder des permis d’exploitation. En réalité donc, seulement les terres sans intérêt financier seront conservées par ce mécanisme, attachant ainsi un prix à la Nature et continuant de l’utiliser comme outil commercial.
L’Equateur est pourtant un des seuls pays à reconnaître les droits de la Nature dans sa Constitution. En procédant à la financiarisation des écosystèmes, il crée une division de la Terre Mère, la transforme en objet.

La violation des droits de la Nature s’accompagne presque toujours d’une violation des droits de l’homme.

Les peuples autochtones sont encore une fois les grands perdants dans ce marché : plus de 90% des territoires concernés par ce programme sont leur propriété. Propriétaires, certes, mais au sein le plus restrictif du terme : il ne peuvent pas en faire ce qu’ils veulent. Le programme stipule que l’accès doit être garanti à certaines personnes à des fins de surveillance. Ou de contrôle ?
Les communautés ont ainsi dû donner l’accès à leurs territoires à de grandes compagnies pétrolières. De plus, elles ne peuvent plus continuer à vivre de manière traditionnelle, et ont besoin maintenant d’experts, de rapports…

 

“Le gaz retiré de nos sous-sols cause le changement climatique, et nous en sommes les premiers impactés”

Ken Henshaw, activiste et spécialisé dans les sources d’énergies, vient du détroit du Niger, au Nigeria, une région très exploitée depuis plus de 60 ans pour son gaz. Il témoigne au nom des personnes vivant la-bas, sur les pollutions quotidiennes.

Dans l’est du Delta, l’exploitation est gigantesque. Les rivières sont mortes, sans poissons. L’air est vicié. Les eaux de pluie sont tellement polluées qu’elles peuvent changer la couleur d’un toit. Dans l’ouest en revanche, de larges forêts, parmi les plus belles du monde, remplies d’espèces en danger, étaient protégées avec l’aide d’ONGs, et les communautés avait une profonde relation avec.
Et puis, le REDD+ est arrivé.
Les communautés ont été averties qu’elles allaient toucher de l’argent pour la forêt. Le gouvernement les a sorti de la zone, leur interdisant tout retour. Sans consentement, ni même consultation. Mais l’argent n’est jamais arrivé. Les communautés ont pu se réinstaller sur leurs terres, alors massivement détruites.

Les forêts ne sont pas un endroit à déchets pour stocker votre carbone : elles sont nos maison. Nos forêts sont vivantes, elles respirent, elles sont pleines de lumières. Nous ne sommes rien sans elles.

En 2016, une communauté a poursuivi devant la justice anglo-saxonne Shell, qui agissait au Nigeria avec son siège en Grande-Bretagne. Le tribunal a jugé qu’il n’avait pas compétence pour entendre de ce litige car l’entreprise exploitante était en réalité une filiale de Shell, et que le cas devait être porté devant la justice nigériane. L’affaire à ce jour n’a toujours pas été réglée.

 

Violations et demandes

Toute financiarisation de la Nature entraîne une violation de l’article 1 de la Déclaration Universelle des droits de la Nature, qui dispose que la Terre Mère est unique et indivisible.

Les demandes sont :
Un mécanisme de société civile internationale pour enregistrer la financiarisation
La dénonciation des crimes et des violations contre la Nature

Nous demandons qu’on nous rende nos forêts : nous les avons préservées par le passé, nous pouvons très bien le faire encore. (..) Et nous n’avons pas à payer pour la nature (Ken Henshaw)

 

Marie De França

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Facebook
Twitter
Instagram